Maylis de Kerangal

Maylis de Kerangal s’est installée dans le paysage littéraire français en une vingtaine d’années et une dizaine de romans dont Corniche Kennedy, Naissance d’un pont, ou Réparer les vivants (tous chez Verticales). Tous ont en commun l’exploration d’univers différents qui permettent à la romancière de faire naître une langue propre à chacun, d’injecter dans la langue littéraire des mots étrangers à la littérature, le langage des chantiers, celui de la médecine ou des ados. À l’occasion de la sortie de Canoës, Maylis de Kerangal a accepté notre invitation. Belle façon pour nous de clore la saison. Bel été à tous.

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En Physique

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En Physique
  • Apprendre à parler à une pierre

    Annie Dillard - Livre - Christian Bourgois - 2017

    J’ai découvert Annie Dillard très récemment, sur les conseils des libraires du  Pied à Terre, rue Custine. Poétesse, essayiste, elle porte un regard très personnel sur le monde sensible et j’aime son écriture limpide, vive, sa profondeur de champ, son humour. Apprendre à parler à une pierre est un recueil de textes qui mélange prose, poésie, réflexion. Une forme hybride, à la frontière des genres, un endroit qu’elle invente. Elle me fait parfois penser à ces écrivaines comme Joan Didion, Kathleen Jamie ou Rachel Carson qui partagent cette même acuité, cette même intelligence. Dans le premier texte, une fouine surgit d’un buisson d’églantine, et le face à face de l’animal sauvage et de la narratrice donne lieu à une mise en miroir et une réflexion sur la condition animale, sur la liberté. Ses textes ont pour moi une forte résonance.

  • Décamérez ! Des nouvelles de Boccace

    Nathalie Koble, postface Tiphaine Samoyault - Livre - Macula - 2021

    Dans le Decameron de Boccace, une dizaine de jeunes gens fuit Florence et la peste noire pour s’établir à la campagne, sur les collines qui entourent la ville. Afin de divertir les autres, mais également de penser ce qui arrive, chacun s’engage à raconter une histoire. Ici, réinventant ce grand livre, Nathalie Koble entrelace et met en écho une cinquantaine de nouvelles et une série d’images : photogrammes de films comme la Captive aux yeux clairs d’Howard Hawks, L’Île des amours interdites de Damiano Damiani, de La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock, affiche de la Dolce vita, pochettes de disques (Sentimental récital d’Elise Caron et Denis Chouillet), photographies de Pauline Fournie, peintures de Malevitch, Paul Klee, Rothko, Claire Chesnier. Deux lignes narratives, l’une littéraire, l’autre iconographique, formant ainsi une matière intellectuelle riche, stimulante, qui donne une forme à la période de confinement que nous avons traversée. Belle postface de Tiphaine Samoyault intitulée Créer le dehors qui manque. C’est un livre précieux, un livre-ressource.

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    Kes

    Ken Loach - Video - Les films du paradoxe - 1969

    J’aime ce film depuis longtemps, il me bouleverse à chaque fois. C’est l’histoire d’un gosse, Billy Casper, qui vit dans une petite ville minière du nord de l’Angleterre, son père est parti, sa mère est absente et son grand frère le brutalise. C’est un enfant à part, solitaire, rêveur, incompris des adultes dont il fuit le monde violent, hostile, les institutions autoritaires. Un jour, il apprivoise un faucon, apprend à le dresser, et cette relation ouvre peu à peu dans son existence un espace de liberté : lui et l’oiseau se comprennent. Les longs plans où Billy appelle le faucon dans des paysages de prés et de terrils sont magnifiques. Ensemble, ils élaborent un monde souple, fluide, libre, un monde dans lequel Billy peut baisser la garde et n'a plus à se méfier des adultes. C’est le deuxième film de Ken Loach qui s’inscrit d’emblée dans un cinéma social, aux prises avec une réalité dure, sombre. Et Kes exprime déjà cette humanité, quelque chose de fragile et rugueux à la fois.

  • Le Roman de Jim

    Pierric Bailly - Livre - P.O.L - 2021

    Un roman en forme de mélo. Un jeune homme, Aymeric, environ vingt-cinq ans, tombe amoureux d’une femme de quarante ans, enceinte — elle a gardé l’enfant, seule. Ils s’installent ensemble.  Aymeric est bouleversé par l’enfant qui naît, Jim. Ils deviennent comme père et fils. Un jour, le père biologique de l’enfant réapparaît. C’est un roman que j’ai aimé parce qu’il exprime une masculinité assez rare, complexe, délicate, une virilité tournée vers la protection mais également troublée par le fait que le narrateur assume la douceur, l’émotion, les larmes. C’est aussi une sorte de réflexion profonde et surtout très personnelle sur la paternité. C’est très beau.

  • Apeirogon

    Colum McCann - Livre - Belfond - 2020

    C’est un livre impressionnant. Sujet difficile : deux hommes qui ont chacun perdu leur fille deviennent amis et s’associent pour témoigner. L’un est un israélien et sa fille a été tuée dans un attentat quand elle avait une vingtaine d’années, l’autre est palestinien et sa fille a été tuée par une balle perdue tirée par un soldat d’une patrouille militaire israélienne alors qu’elle achetait des bonbons. Là où on pouvait craindre un roman trop efficace, gorgé de bons sentiments, on découvre un livre magnifique, composé d’un millier de fragments (l'apeirogon est une forme géométrique aux nombre infini de côtés), et cette construction littéraire permet à Colum McCann de créer des échos, de la résonance, de mettre en relief un détail, une pensée, une émotion, un geste. Cette forme disloquée correspond aux éclats des bombes, mais s’ajuste aussi aux éclats de la conscience, à ceux de la réalité fragmentée de ces pays en guerre. Pour écrire, Colum McCann a enquêté, recueilli des témoignages, et les personnages sont réels, ils existent vraiment. Le livre est un puissant tissage de sensations, d’émotions, de souvenirs, de faits, une réflexion sur l’occupation des territoires palestiniens et la colonisation. J’ai trouvé ce texte très fort.

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    Uncut Gems

    Benny Safdie, Josh Safdie Adam Sandler - Video - Netflix - 2020

    C’est un film dément. Dans la forme notamment. L’histoire d’un type qui a des dettes, qui se débat entre ses créanciers, et qui s’enfonce un peu plus à chaque fois qu’il entreprend quelque chose pour se sortir de sa situation. Ça a été un choc pour moi de voir ce film. Les frères Safdie avaient déjà réalisé un autre film que j’adore Good Time avec Robert Pattinson dans le rôle d’un type qui doit sortir son frère handicapé de prison après un casse raté. Les deux films sont des chefs-d'œuvre d’intensité et de rythme. On est dans l’urgence en permanence, dans une fuite en avant sans fin. On frise l’hystérie. La fin de Uncut Gems est sidérante. Évidemment, j’ai aimé que le film me plonge dans le monde des diamantaires juifs de Manhattan. J'aime quand la fiction m'immerge dans un milieu que je ne connais pas, quand la fiction joue comme un accès à un monde technique, social, professionnel, culturel singulier.

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    Canoës

    Maylis de Kerangal - Livre - Verticales - 2021

    J’ai conçu Canoës comme un roman en pièces détachées : une novella centrale, “Mustang”, et autour, tels des satellites, sept récits. Tous sont connectés, tous se parlent entre eux, et partent d’un même désir : sonder la nature de la voix humaine, sa matérialité, ses pouvoirs, et composer une sorte de monde vocal, empli d’échos, de vibrations, de traces rémanentes. Chaque voix est saisie dans un moment de trouble, quand son timbre s’use ou mue, se distingue ou se confond, parfois se détraque ou se brise, quand une messagerie ou un micro vient filtrer ses paroles, les enregistrer ou les effacer. J’ai voulu intercepter une fréquence, capter un souffle, tenir une note tout au long d’un livre qui fait la part belle à une tribu de femmes — des femmes de tout âge, solitaires, rêveuses, volubiles, hantées ou marginales. Elles occupent tout l’espace. Surtout, j’ai eu envie d’aller chercher ma voix parmi les leurs, de la faire entendre au plus juste, de trouver un “je”, au plus proche.

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    All I want for Christmas !
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    L'heure bleue

    Peder Severin Krøyer - Exposition - Musée Marmottan Monet - jusqu’au 26 septembre 2021

    Cette exposition fait signe à celle consacrée à Hammershøi, le maître de la peinture danoise, dont on avait découvert les tableaux silencieux, les intérieurs aux couleurs neutres, les espaces domestiques, structurés de cadres, de seuils, de fenêtres et d’encadrements de portes. Ici, Krøyer célèbre l’heure bleue, ce moment où le jour bascule dans la nuit, cet instant fugace où l’air se colore de bleu, un bleu radiant, profond, magnétique, caractéristique de la lumière scandinave. Dans la sélection de tableaux présentée au musée Marmottan Monet, on retrouve le regard sur la vie quotidienne, les scènes de travail, les portraits de familles, une forme de simplicité. Ce que j’aime également dans le travail de Krøyer c’est son rapport à la photographie. De la même manière que le jour et la nuit se fondent dans une seule lumière, chez Krøyer la photographie et la peinture se fondent et se ressaisissent en permanence l’une  l’autre. Ainsi, certaines toiles sont peintes d’après photographies, tandis que photographies en noir et blanc, au cyanotype, se retrouvent couvertes d’un filtre bleu. Cette lumière bleue, c’est une heure calme, une heure où l’on pourrait parler à voix basse, où l’on médite, où l’on se souvient.

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    Où est l’ami Kiarostami ?

    Abbas Kiarostami - Exposition - Centre Pompidou - 19 mai - 26 juil. 2021

    Une occasion unique de s’immerger dans l’intégralité de l’œuvre d’Abbas Kiarostami, cinéaste, photographe, poète. Un artiste total qui a aussi pensé ses pratiques artistiques. Ce qui est exceptionnel dans cette rétrospective majestueuse, c’est que l’on pourra revoir, parmi les 46 films projetés, des chefs d'œuvres, Le Goût de la cerise, À travers les oliviers, Où est la maison de mon ami, mais aussi découvrir ses films de jeunesse.J’aime particulièrement les photographies de Kiarostami, par exemple la série Rain, parois de verre ( pare-brise de voiture) où coule la pluie, où le dehors se décompose en reflets, où la réalité s’opacifie, troublée. Son œuvre fait converger dans une même image, une poésie persane délicate, ouvragée, et les soubresauts d’un pays qui change, qu’on voit dans Ten par exemple.

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    Adam Henein

    Khazindar Mona - Livre - Skira - 2006

    J'ai découvert ce sculpteur dans un petit musée du Caire, sorte d’oasis au milieu d’une ville complètement folle. Outre qu’il est aussi peintre, ce que j’aime particulièrement chez Adam Henein c’est la façon dont il perpétue l’art égyptien dans son œuvre. Les chats, les oiseaux, toutes ces figures que l’on trouve dans les hiéroglyphes ou sur les murs des temples. J’aime particulièrement ses œuvres monumentales, les pierres. Dans le jardin du musée, il y a par exemple cette grande barque funéraire sur laquelle il a disposé des figures, des têtes, des bustes, des figures d’oiseaux. Adam Heinen a passé une vingtaine d’années en France et on retrouve des influences du surréalisme ou de Brancusi. Ce qui me touche, c’est de rendre sensible, dans une œuvre contemporaine, la résonance spirituelle d’une tradition archaïque.

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    Try!

    Airelle Besson, Isabel Sorling, Benjamin Moussay, Fabrice Moreau - Audio - PAPILLON JAUNE - 2021

    La trompette d’Airelle est très belle, envoûtante, avec un toucher profond, puissant, langoureux que j’aime beaucoup. Son souffle est magnifique. J’ai hâte de la voir en concert.

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    Rumours

    Fleetwood Mac - Audio - 1977

    Fleetwood Mac est un groupe que l’on a un peu oublié mais que j’adore — je l’ai cité dans Naissance d’un pont écrit en 2010. Rumours, c’est le son de la côte ouest, un peu hippie, lumineux, très libre, notamment Dreams un morceau que je peux écouter en boucle. Cet album possède une grâce, quelque chose d’intense et de léger à la fois. Je réécoute aussi beaucoup le premier album de 1975 Fleetwood Mac.


Apprendre à parler à une pierre
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