Lilas rouge

Reinhard Kaiser-Mühlecker - 2021

C’est une découverte toute récente, un roman bien dense de 750 pages que j’ai lu en trois jours. C’est un livre ébouriffant de par sa puissance et la diversité de ses portes d’entrée. Là encore nous sommes dans un monde rural où, comme chez Ramuz ou Siegfried Lenz, on a l’impression de lire des peintures ou des aquarelles. Reinhard Kaiser-Mühlecker a repris la ferme de ses parents et nul doute que ça l’aura convaincu d’écrire sur une société villageoise qu’il connaît parfaitement et dont il parle admirablement. Ce roman est le récit de trois générations d’une famille maudite, condamnée par on ne sait quel ordre qui les dépasserait. On retrouve un peu une ambiance faulknerienne, ce côté ratiboisé, raboté par le sort. Ça commence dans les années quarante, en pleine guerre, pourtant loin, avec un homme qui arrive, débarque en charrette dans un village des confins avec sa fille taiseuse. On comprend que son passé n’est pas très net et qu’il a dû fuir rapidement. Un peu plus tard, on découvre le fils de cet homme, de retour du front de l’est, et on va suivre leur vie à tous les trois, leur adaptation à une société âpre, rude, violente. Cette violence nourrit sans cesse le roman, dont les protagonistes, inimaginables, sont aussi riches que dans les cours des rois anglais ! C’est dans un vertige d’écriture que ce jeune romancier installe son lecteur, pour un voyage au long cours, un voyage qui va prendre dans un chapitre inattendu une toute autre couleur, une toute autre lumière que celle de cette Autriche rurale et profonde à laquelle nous sommes invités et que nous quittons avec regret, tant cet univers et cette humanité complexe sont fascinants.