Terminus radieux

Antoine Volodine - 2014

Comme chez Jacques Abeille, avec Antoine Volodine le lecteur entre chez un écrivain créateur d’univers imaginaires. Volodine a créé un domaine, celui du post exotisme, autour duquel il a conçu une grande part de son œuvre, qu’on peut lire chez Gallimard ou aux Editions du Seuil, mais aussi chez Verdier et à L’Olivier. Du côté de l’exercice de l’imagination, Antoine Volodine a quelque chose de démesuré par ce travail acharné à ouvrir des espaces terribles, inquiétants autant que fascinants. Terminus radieux est certainement son œuvre la plus aboutie, la plus emblématique, la plus riche aussi. On a là une étendue géographique, la Sibérie, son aridité, son enfermement, qui provoquent chez le lecteur des images mentales étranges qui peuvent se révéler anxiogènes. Dans cette Sibérie souvent évoquée par le romancier, il y a aussi le chamanisme qui est un élément obsédant de l’œuvre de Volodine. Il y a notamment ce personnage de chamane qui fait remonter du fin fond bouillant de la terre la lave des esprits, de la nature. J’ai découvert Antoine Volodine avec Lisbonne dernière marge (1990), chez Minuit, dans lequel on était marqué par l’obsession de la question du soviétisme encore bien présent, logé dans une mémoire inviolable. Je ne sais pourquoi j’avais l’impression de retrouver aussi l’atmosphère du livre Les Hauteurs béantes d’Alexandre Zinoviev (1976), il y avait aussi la marque du cinéma d’Andrei Tarkovski, d’Alexeï Guerman, celle des stalkers. Et puis il y a cette image du train qui traverse sans jamais s’arrêter les grandes étendues blanches et qui rappelle autant celui de Trotsky que le Transperceneige. C’est à la fois par son onirisme que par son ironie, qui est une des caractéristiques de l’écriture de Volodine, qu’on est transporté. Téléporté peut-être ? A moins que ce ne soit « chamanisé » ?