Rough and Rowdy Ways
Bob Dylan a été la source inépuisable pour l’écriture de mon album, et la reprise que je fais de « Girl of the North Country » est la première chanson que j’ai écrite. Je n’avais pourtant pas prévu de laisser une adaptation de Bob Dylan en français sur ce disque. En revanche, j’avais prévu de faire un disque qui essaierait de traduire mon regard sur le monde et sur les émotions qui me traversent en parlant de la manière dont les choses me chamboulent et me déplacent, m’attristent ou me mettent en joie, particulièrement en ce moment où on est tous éloignés les uns des autres. Je voulais regarder à l’extérieur mais de mon intérieur à moi. Et pour moi, celui qui a réussi à faire ça tout en restant subversif et magnifiquement poétique c’est Dylan. Il a eu les mots d’une rare incandescence pour évoquer ce qu’il le frappait à l’époque, des mots que les gens avaient besoin d’entendre. J’ai donc eu envie de rentrer dans le moteur de ce langage, de cette poétique qui me bouleverse tant, pour essayer de comprendre comment elle fonctionne et comment on pourrait la faire fonctionner en français. Je me suis donc essayée à traduire ses chansons comme on fait des gammes, et il y en a une qui est restée. C’est à la fois une traduction et une adaptation, c’est à dire que j’ai inversé la géographie et j’ai fait de cette chanson d’amour une chanson d’engagement sur l’exil puisque je parle d’une jeune fille qui a fui son pays pour fuir un mariage forcé. J’ai essayé de raconter cette histoire en respectant les images, chaque métaphore de Dylan, mais en changeant la géographie, le nord pour le sud, la froideur pour la chaleur… j’ai essayé comme ça de tisser des ponts. J’ai choisi son dernier album parce que continuer à faire des disques aussi puissants à quatre-vingt ans est stupéfiant. J’aime tout particulièrement le premier morceau “I Countain Multitudes” qui dit à quel point c’est un homme plein de contradictions et qu’on ne pourra jamais le mettre dans une case.
