La Passion selon G.H.

Clarice Lispector - 1964

Je mets Clarice Lispector sur le même plan que Proust, Joyce, Kafka. Pas moins, et je trouve qu’elle n’a pas en France la reconnaissance qu'elle mérite. Par contre elle est très célèbre au Brésil. La Passion selon G.H est son livre le plus génial, parce que le plus extrême, le plus logique aussi. Comme dans un film de Rosselini, cela commence par une femme, qui a vu une chose qui la dépasse et la rend inapte à vivre dans un monde auquel elle ne se sent plus adaptée. Alors se pose un dilemme. Va-t-elle retourner dans le monde en oubliant ce qu'elle a vu ? Ou bien s’avancer seule vers cette chose qu'elle a rencontrée ? Ce qu’elle a vu c’est le vivant, qu’elle appelle "l’horreur du vivant ", parce qu'il est antérieur à l’humain. Qu'est-ce que c'est ?

G.H. est une femme de la bourgeoisie qui vient de se séparer de sa bonne et décide d’aller faire le ménage dans la chambre que l'employée occupait. Elle découvre alors un lieu impeccable avec coincé dans la porte d'une armoire, une blatte. Mais une blatte énorme, comme on en trouve au Brésil. A partir de cet événement, le livre se transforme en une sorte de roman d’épouvante philosophique. La vision de cette blatte bouleverse entièrement son existence. Les livres de Clarice Lispector nous disent que depuis des millénaires nous marchons sur la tête. Ils retournent le monde. Alors ce qu’on croyait être le bien devient le mal, et inversement. Le mal, dit-elle, c’est de ne pas vivre. La Passion selon G.H nous entraîne dans une terreur qui débouche sur une adoration de la vie, au-delà de l'humain. C’est une aventure de la pensée qui, pour moi, n’a pas d’équivalent dans toute la littérature.