La Leçon d’allemand

Siegfried Lenz - 1968

La Leçon d'allemand est un des tous premiers horizons littéraires qui m’a été révélé à mes débuts à la librairie. Je n’en avais plus de souvenir, et là encore, c’est pendant mes errements littéraires de cette période de confinement que j’ai repris La Leçon d'allemand. Lenz est arrivé à une qualité de construction, de précision, de conviction, comme peu d’autres écrivains y sont parvenus. On reste à la lecture de ce livre ébahi par la clarté et la précision du montage autant que par celles de la peinture des personnages et des situations. Peut-être cela tient-il de la langue allemande. Je me souviens que jusqu’au milieu des années soixante, j’ai été complètement conditionné par l’histoire de la guerre, par la reconstruction en cours et toutes ses illusions, par la guerre froide et la peur atomique. Dans cette histoire, qui se déroule au nord de l’Allemagne près de la frontière avec le Danemark, dans une petite communauté villageoise, il y a un policier qui est le représentant du pouvoir nazi, son fils et un peintre - inspiré par la figure d’Emil Nolde - auquel le pouvoir va demander d’arrêter de peindre. C’est le père qui va être chargé de faire pression sur le peintre, mais c’est le fils du policier, déserteur de l’armée allemande, qui va faire tout ce qui est en son pouvoir pour aider l’artiste. L’histoire se passe très loin des effets immédiats de la guerre, nous sommes assez loin des bombardements, de Dresde, de Hambourg, ou de Berlin, on est loin du feu, mais on sent, par l’exercice de la menace du père sur le peintre, toute la violence de ce régime. Et finalement ce qui est important c’est ce que vivent les hommes entre eux, c’est comment le pouvoir nazi a pu compromettre les relations les plus amicales, les plus anciennes, comment a fonctionné cette entreprise de décomposition du lien entre les gens d’une même communauté. C’est un témoignage majeur de cette Allemagne qui commence à essayer de solder, entre autres grâce aux écrivains du début des années soixante comme Siegfried Lenz, d’exorciser cette période de l’histoire marquée par le nazisme.