En juillet 1924, Albert Londres couvre le 18e Tour de France pour Le Petit Parisien, une grande boucle de 5425 km en quinze étapes (contre 3400 km et 21 étapes cette année). Il en tire un grand reportage où il célèbre les géants de ces temps héroïques du cyclisme, décrit la France populaire de l’entre-deux-guerres, tout en notant les drames, les souffrances, tous les petits et grands évènements de cette compétition sportive qui suscite un immense engouement. L’auteur de Au Bagne n’hésite pas non plus à dénoncer la sévérité et l’absurdité du règlement, l'usage de cocaïne et de pilules pour tenir, sans compter les séquelles d'une telle course sur les corps. Sur 157 cyclistes sur la ligne de départ, il n’en restera que 60 à l’arrivée.

Après avoir rafraîchi l’univers des magazines de cinéma avec Sofilm et l’hebdomadaire d’actualité avec Society, le groupe Sopress s’est attaqué au sport avec So Foot, Tampon! (rugby), 40-A (tennis), et Pédale! sous-titré “parce que le vélo aussi a le droit à la différence”. Pour chacun, un même mélange d’érudition, d’amour des fortes personnalités et de la culture de la discipline, sans compter un goût prononcé pour les petites histoires et les seconds couteaux qui font les légendes. Et puis vous n’aurez pas à culpabiliser en achetant un magazine imprimé, il n’en sort qu’un numéro par an (où le trouver)

En plus d’avoir été un romancier des plus talentueux de sa génération (L'Europe buissonnière 1949, Un singe en hiver 1959), Antoine Blondin est le journaliste sportif dont le nom colle au cyclisme comme le sparadrap de Haddock, bien qu’il ait aussi écrit sur le football ou les Jeux Olympiques dont il a couvert sept éditions. Ses chroniques du tour de France (vingt-sept au compteur) pour le journal L’Équipe restent un sommet qui valent bien plus que les simples comptes rendus de l’étape du jour, ou à l’intérêt que l’on porte - ou pas - aux exploits sportifs.

«Sorti d'un cauchemar d'eau et de froid, Anquetil traverse une foule au bord des pleurs, hommes, femmes et enfants au garde-à-vous sur ces côtes de Chevreuse où la légende est née. Cinq kilos perdus, peut-être plus, l'ovation immense du Parc des Princes et Janine immobile. Anquetil au sang de reptile s'effondre en larmes pour la première fois » Par-delà les portraits inouïs et les légendes vraies des champions de haute époque, sous les rafales d'images et le souffle de l'émotion, Philippe Bordas chante le lien intime du cyclisme avec la langue française. En rendant hommage à ces héros du peuple, à ces insoumis obsédés par la noblesse du geste, il nous offre un livre inclassable, manifeste anarchiste et bréviaire poétique.

Si l’adage qui dit que “savoir faire du vélo ne s’oublie pas” pousse beaucoup à se (re)lancer sur les routes en ville ou à la campagne, une fois passées les premières joies (et les premières courbatures), les plus persistants savent que pour prolonger l’effort ils ne doivent rien laisser au hasard, qu’il s’agisse du matériel (choix, entretien), de l’équipement (visibilité, intempéries), voire des règles de sécurité. C’est tous ces sujets - et bien d’autres - que passe en revue Adrien Zammit dans ce guide illustré de sa main. À glisser dans son sac avant de partir.

Une « ride » c'est une balade en vélo. Simon et Florent racontent la première impulsion, celle qui donne envie de larguer les amarres (pour une durée déterminée) et expérimentent qu' « on ne fait pas un voyage, c'est le voyage qui nous fait », comme l'a écrit l'immense écrivain voyageur Nicolas Bouvier. Un voyage en vélo façon buddy movie et pieds nickelés, de Paris à la Bourgogne, le tout en 5 jours, c'est aussi une manière d'aborder le territoire différemment, et de se retrouver un peu au bout du chemin. Un livre pour “rider” au fond de sa chaise longue ou allongé à l’ombre sur un banc.

« J'ai créé des tas de chansons sur mon vélo ! Je roule, je roule, je tiens une cadence de pédalage et les mots me viennent, les harmonies... » Plus que le football, le cyclisme était la vraie passion de Jean-Louis Murat. « Le Tour de France dévoile une part très intime de soi. Il révèle chez chacun de nous une nostalgie, une pulsion de voyage… Paysages, lieux traversés, souvenirs d'enfance, le Tour fait résonner l'histoire-géo en nous, c'est une passion de juillet qui dit beaucoup de l'étrangeté du Français. » Il avouait alors suivre la course sans le son mais avec des cartes et des encyclopédies... Pour Jean-Louis Murat, le cyclisme n'était pas qu'une question de nostalgie. Il aimait ainsi Wout van Aert, qu'il comparait à la star américaine du hip-hop Kendrick Lamar : « C'est le même génie, ils excellent dans tout. Il se passe tellement de choses dans leur tête. Ils sont un point de rencontre entre l'homme et Dieu. » Jean-Louis Murat, au magazine L'Équipe, en 2022

“À l'été 2016, Emmanuel Ruben entreprend avec un ami une traversée de l'Europe à vélo. En quarante-huit jours, ils remonteront le cours du Danube depuis les rives de la mer Noire jusqu'à sa source de la Forêt-Noire. D'Odessa à Strasbourg, ils parcourront 23 degrés de longitude, 6 degrés de latitude et 4 000 km. Ce livre-fleuve est inspiré de cette épopée à travers les marécages du delta du Danube et les steppes eurasiatiques d'Ukraine, les vestiges de la Roumanie de Ceausescu, le rougeoiement des plages bulgares au crépuscule, les défilés des Portes de Fer en Serbie, les frontières hongroises hérissées de barbelés... Dans ce récit d'arpentage, Emmanuel Ruben poursuit en cycliste, en écrivain, en géographe, et explore la géographie du Vieux Continent pour mieux révéler toutes les fictions qui nous constituent.

« À douze ans, j'eus ma première bicyclette ; depuis, on ne m'a plus jamais revu » Paul Morand. Alexandre Schiratti est géographe des transports et de l’environnement. Cycliste intrépide, il parcourt régulièrement les routes de France et d’Europe. Il retrace dans son livre, l’histoire de la grande épopée de la bicyclette, des vélocipédistes voyageurs intrépides à nos jours, tout en évoquant les escapades de Zola dans la campagne proche de Paris et les voyages clandestins de Simone de Beauvoir et de Jean-Paul Sartre sous l’Occupation. Ce livre retrace l'histoire de la grande épopée cycliste, celle qui a repoussé les frontières du monde et de l'imaginaire.

En s'intéressant à l’environnement économique, culturel et social du vélo autant qu'à ses aspects techniques, Frédéric Héran raconte avec talent une autre histoire des déplacements urbains. Alors qu'il triomphait dans les années 1920-1930, le vélo a été chassé des villes européennes dans les années de croissance d'après-guerre. Dès les années 1970, et contre toute attente, la bicyclette a pourtant réussi son retour progressif en Europe du Nord et dans certaines villes d'Italie. Mais la France et d'autres pays ont raté ce tournant. Analysant les politiques de déplacements urbains à travers l'Europe, l'auteur montre que la modération de la circulation a joué un rôle déterminant dans le retour du vélo. Demain, la bicyclette pourrait devenir un moyen de locomotion indispensable pour contrer les effets de la crise économique et écologique. Et contribuer à faire de la ville un espace égalitaire et convivial.

Partant d'une violence symbolique et d'un imaginaire méconnu, Laurent Vidal fait la genèse des hommes lents, ces individus mis à l'écart par l'idéologie du Progrès. On y croise tour à tour un Indien paresseux et un colonisé indolent, des ouvriers indisciplinés et, plus proches de nous, le migrant en attente ou le travailleur fainéant. Mais l'auteur révèle aussi la façon dont ces hommes s'emparent de la lenteur pour subvertir la modernité : de l'oisiveté revendiquée aux ruses déployées pour s'approprier des espaces assignés, les hommes lents créent des rythmes inouïs, jusque dans les musiques syncopées du jazz, de la samba, ou de la roue libre de l'homme à vélo qui laisse filer sa machine.

“Quoi de plus simple qu'une roue ? Et pourtant il aura fallu des centaines de milliers d'années après la fabrication des premiers outils pour que l'homme ait l'idée de concevoir cet objet qui allait changer sa vie. Les Égyptiens n'utilisaient pas la roue lorsqu'ils construisirent les grandes pyramides. Plus étonnant, aucune civilisation du continent américain ne l'a jamais utilisée avant le débarquement des Européens - alors que la roue n'y était pas inconnue. Et si la maîtrise de la roue, bien plus qu'une question technique, était une question politique ? Grâce à la roue, l'humanité a pu abolir les distances et le temps. Avec l'ajout du moteur, la fuite en avant ne s'est plus arrêtée, au risque de nous emporter vers notre propre destruction. C'est cette histoire que raconte Raphaël Meltz en nous montrant que, sans la roue, un autre monde aurait été possible.”